Axes de Recherche de l'ER-IPC
Les membres de l’ER IPC travaillent principalement sur les thématiques de la nature, du bien commun, des rationalités humaine et artificielle, et ont initié des travaux autour du thème de la santé : la première des thématiques s’inscrivant dans le cadre de l’axe 1, la deuxième dans celui de l’axe 2, et les deux dernières dans le cadre de l’axe 3.
Ces travaux cherchent à fournir des éléments pour évaluer le jeu des comparaisons ou des métaphores présentes dans toutes formes de rationalités.
Axe 1 Philosophie et usages des discours scientifiques
Coordinateur : Florian LAGUENS
A la croisée de la philosophie et de l’histoire des sciences, des histoires de la philosophie antique, médiévale et moderne, de la philosophie de la technique et de l’éthique environnementale, la question de la nature est un thème qui donne lieu à une diversité d’approches, et à une convergence en faveur d’une philosophie de la nature dont le programme contemporain, s’il s’inscrit dans la perspective jadis décrite par Platon ( Bertrand Saint-Sernin, 2004 ), et reprise par Cournot ( 1875 ) ou par Whitehead ( 1929 ), est désormais devenu un enjeu majeur pour l’écologie ( Serres, 1990 ; Dutreuil, 2017 ). La philosophie se doit donc de chercher à donner une vision d’ensemble et cohérente du monde ( Espinoza, 2000 ; Clavier, 2000 ; Esfeld, 2012 ), à réconcilier “la philosophie de la nature” et “la philosophie de l’intellect”( Tiercelin, 2011 ), ou à annuler la séparation de l’homme et du monde ( Lecourt, 1993 ), et à fonder le souci écologique ( Taylor, 1981 ; Norton, 1984 ). Cependant, dans tous les cas, la philosophie de la nature ne saurait que difficilement émerger comme champ disciplinaire innovant sans être enracinée dans l’histoire des sciences et éclairée par le questionnement philosophique lui aussi héritier d’une histoire. Si donc la nature est l’existence des choses en tant qu’elle est déterminée par des lois universelles, ou bien la totalité des phénomènes ( Kant, 1783 ), celle-ci n’est rien sans la mesure qui les produit ( Paty, 1993 ). Le travail de Florian Laguens sur Eddington qui, le 29 mai 1919, mesura la courbure des rayons lumineux et, de ce fait, contribua fortement à réélaborer notre représentation du monde, s’inscrit dans cette perspective.
Toutefois, la nature ne se laisse pas réduire à la mesure ( M. Merleau-Ponty, 1956-1960 ). Ainsi, par-delà la révolution copernicienne, il est possible et intéressant d’interroger l’histoire de la philosophie médiévale qui la précéda et la prépara, et qui permet de penser comment il a été possible d’appréhender la nature autrement que comme un système de symboles. D’où l’intérêt porté aux commentaires médiévaux de la Physique et du De caelo. Les notions d’espace et de lieu, ou d’habitat naturel, de temps, de mouvement ou d’évolution, de fonction, d’apoptose, etc., ou encore l’anthropotechnie qui envisage un élargissement des potentialités naturelles du corps humain, et qui pose des questions éthiques, sont impliquées par la thématique autour de la nature, et ont fait l’objet de travaux au sein de l’ER IPC.
Axe 2 Philosophie, organisations et institutions
Coordinateur : Bernard GUERY
La notion de bien commun est de plus en plus sollicitée dans le cadre de la recherche internationale. En effet, la progression des préoccupations au sein des environmental studies ( Clark, 2019 ; Campos-Climent, Sanchis-Palacio et Ejarque-Catalá, 2022 ), mais aussi le phénomène de la sociétalisation des entreprises ( Weingarten, 2022 ; Batten, LonČarski et Szilagyi, 2022 ; Sworowska-Baranowska, 2022 ; Pham, Chiappetta Jabbour, et al. 2023 ), stimulent la recherche sur la gestion des ressources communes, sur la finalité de la communauté de travail et les modalités du réencastrement de l’entreprise dans la société. Les notions de finalité, de communauté et de bien commun, sont des objets philosophiques à part entière, mais sont également des objets de sciences humaines et sociales adjacentes à la philosophie pratique. Cet état de fait invite la philosophie à oser la comparaison avec les sciences qui ont les mêmes objets. En effet, la notion de finalité, à travers les notions d’objectifs, de mission et de vision trouve un écho par exemple en sciences de gestion. La notion de communauté est saisie quant à elle par la sociologie, tandis que les biens communs tombent sous la considération du juriste et de l’économiste. Ce thème permet ainsi de traduire cette volonté de comparer les approches philosophiques avec celles des sciences sociales.
Avec la résurgence du principe de subsidiarité en économie ( Moodie, Salenius Meijer, 2022 ) et en sciences de gestion ( Shymko et Frémeaux, 2022 ), ainsi qu’en philosophie politique ( Drew et Miyazaki, 2022 ), la problématique du bien commun trouve un nouvel angle d’investigation, tout particulièrement pour explorer les tensions et complémentarités entre organisation du travail et autonomie.
Axe 3 Philosophie, Psychologie et Santé
M. Emmanuel BROCHIER
En étroite collaboration avec le laboratoire CHArt ( Paris 8 ), l’ER IPC participe aux travaux sur les rationalités humaine et artificielle qui se concentrent principalement sur les approches computationnelles du raisonnement humain – celui-ci étant entendu au sens large, ce qui inclut les jugements, la prise de décision, la résolution de problèmes, la pragmatique, etc. -, sur sa critique, et sur la façon dont le raisonnement artificiel de type humain peut se développer.
En ce qui concerne la rationalité humaine, les équipes de l’IPC et du CHArt s’intéressent d’une part aux mécanismes mentaux (automatiques et contrôlés) qui sous-tendent les inférences humaines et d’autre part aux modèles formels qui les stimulent et les prédisent. En ce qui concerne la rationalité artificielle, elles ne s’intéressent pas simplement aux modèles de calculs artificiels, mais cherchent aussi à montrer comment ces derniers se rapportent au raisonnement humain. Un autre domaine d’intérêt mutuel concerne les processus de rationalité impliqués dans l’interaction des agents artificiels et humains.
Les travaux de l’ER IPC ont également trait à la santé. L’accent est mis sur l’articulation entre santé physique et santé mentale en tenant compte des particularités inhérentes aux différents âges de la vie ainsi qu’aux contextes culturel et sociétal. D’une part, l’ER IPC s’intéresse au vécu des usagers – ou personnes accompagnées – afin d’apporter sa contribution dans le domaine de la prévention et de réfléchir aux propositions d’accompagnements psychologiques les plus adaptées et les plus efficaces qui puissent être selon les populations cibles. Dans cette perspective, plusieurs thématiques retiennent l’attention de l’ER IPC, en particulier les questions de l’hygiène et de la vaccination abordées à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur ( 1822-1895 ), l’évolution des facteurs psychologiques impliqués dans la réalisation d’un test de dépistage du VIH chez l’adulte [ recherche initiée avec le Laboratoire Psychopathologie et Processus de Changement ( LPPC ) de Paris 8 ], ainsi que la régulation émotionnelle et la satisfaction de vie au cours du vieillissement en fonction du genre ( John & Gross 2004 ).
D’autre part, l’ER IPC s’intéresse au vécu et à l’accompagnement psychologique des soignants et des aidants, dans le but de prévenir et d’accompagner les traumatismes vicariants ( Bouvier, 2019 ) ainsi que la fatigue compassionnelle
( Delbrouck et al., 2021 ). Comme le préconise Brillon ( 2021 ) depuis le Québec, « Entretenir [sa] vitalité d’aidant » est indispensable pour pouvoir continuer à prendre soin d’autrui. L’ER IPC tient compte dans ses travaux du statut des accompagnants : professionnels de la santé, aidants familiaux – souvent aidants par la force des choses -, ou pairs-aidants – type d’accompagnement en plein développement ( Bonnet, 2021 ), avec l’essor du mouvement de l’Empowerment dans le domaine de la santé mentale notamment ( Deutsch, 2015 ; Koenig, Caria & Roelandt, 2017 ).
Par ailleurs, la comparaison des différentes pratiques dans le domaine de la santé en France et à l’étranger permet de mieux recontextualiser les problématiques, de saisir les enjeux locaux, les enjeux internationaux, et d’affiner ainsi les propositions d’accompagnements.
A travers ses choix portés sur des thèmes d’une grande actualité, où la pratique de l’interdisciplinarité est indispensable, l’ER IPC a su conjuguer à la fois un intérêt académique et un intérêt pour les questions sociétales.