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Remise des diplômes promo 53 & magister  – 21 juin 2025

Publié le

28 juillet 2025
Discours de Marie Burgues – Major de la Promotion Phi 53

Éloge d’un merci

M. le Doyen, chers professeurs, chers camarades,

Voilà presque quatre ans, nous entrions, joyeux mais ignorants, dans ce noble établissement que l’on nomme « IPC». Nous avons écouté, médité, travaillé, expliqué, commenté, jugé, tâchant d’imiter – sans copier – nos chers enseignants. Nous avons bavardé, parlé, chanté ; nous avons ri, appris, grandi, et pleuré quelquefois aussi. 

De discours aujourd’hui, vous n’en aurez pas, ou pas de moi. Un discours serait trop pauvre pour dire la richesse de ce que nous avons reçu ; trop pauvre pour dire la reconnaissance qui déborde de mon âme. 

Ce serait trop peu que de tenir un discours, mais ce serait injustice de se taire. Alors, que faire ? Pour vous parler aujourd’hui, je suis bien démunie. Il n’y aurait qu’un mot, qu’un seul, pour dire ce qui jaillit de mon cœur : merci. Merci pour ces joies, pour ces sourires, pour ces amitiés. Merci pour ces cours, pour votre bienveillance et tout ce temps donné. Merci pour votre écoute, pour votre patience et votre disponibilité. 

Un « merci », qu’est-ce ? Cinq lettres, un mouvement des lèvres, une parole dite. Celle que l’on prononce machinalement lorsque l’on reçoit un cours, un bonjour, ou une preuve d’amour. C’est une rose que l’on offre, un peu de soi que l’on donne à celui qui nous a fait du bien. C’est une flamme qui allume et entretient les petites comme les plus grandes amitiés. C’est un rien qui donne tout, « qui enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne1». 

Mais à qui le donner aujourd’hui ? Chers professeurs, chers membres de l’IPC, M. le Doyen, c’est tout d’abord vers vous que je me tourne pour vous adresser un immense merci. Merci pour votre bienveillance à toute épreuve, pour votre patience sans bornes envers nos intelligences novices, nos faiblesses ou nos retards administratifs. 

Merci pour le travail colossal qui chaque jour passe entre vos mains pour nous ; pour le goût de l’étude que vous nous avez transmis ; pour cette joie de connaître la vérité des choses sans autre but que de les contempler un jour

Merci d’être de si bons capitaines qui, contre vents et marées, contre les tempêtes et les rochers, tiennent la barre de l’IPC pour en conduire l’équipage à bon port. 

Merci, c’est d’abord le signe de la gratitude, une justice que l’on rend à ceux qui nous ont tant donné. C’est à vous, chers professeurs, que s’adresse en premier ma reconnaissance. 

Merci, c’est aussi le bourgeon de l’amitié. Une réponse à celui qui nous tend un verre d’eau, une main, un sourire. C’est le mot, ô combien difficile à prononcer mais terriblement juste, après la rude correction reçue d’un ami. C’est accepter d’avoir besoin de l’autre, et pas seulement de ceux que l’on choisit. C’est le « merci » de celui qui est pardonné, délivré du poids de ses fautes. Chère promotion LIII, merci pour votre amitié, pour ces trois années passées ensemble ; pour votre confiance, votre soutien, vos si beaux regards. Merci enfin d’être ce que vous êtes aujourd’hui : des personnes merveilleuses. 

Merci, c’est en outre reconnaître le bien qui ne vient pas de nous. C’est accepter de dépendre d’un autre, de ne pas tout devoir à soi-même. Souvent, nous répondons tout bas à celui qui nous propose son aide : « lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul, ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul2» Quel orgueil ! Quel aveuglement et quelle misère ! Ne vois-tu pas qu’alors tu ramperas dans la poussière ? « Qu’as-tu que tu n’aies reçu3? » Crois-tu que ton intelligence vienne de toi ? Que tu as appris seul les chemins de la vie ? Que chaque jour, tu te donnes ton propre souffle ? Ta vie, tu la dois à tes parents ; ce que tu as, ton caractère, à tes amis ; ton souffle, à ton Créateur. Merci, c’est donc reconnaître son humilité, sa petitesse face à ce qui est bien trop grand pour notre mérite, mais que nous atteignons. C’est saisir que nous ne sommes qu’un rien, mais un rien qui est aimé. Merci à nos parents, à nos amis. Merci, dix mille, cent mille mercis à notre Créateur, plein d’amour pour Ses faibles créatures. Merci à Celui qui nous a fait pour Lui, Qui nous a donné un cœur si large, un cœur « sans repos tant qu’il ne repose en Lui4». 

Merci, c’est enfin voir le bien là où nous sommes. La perfection n’est pas de ce monde, et ne le sera jamais. Mais le bonheur, « ce n’est pas lorsque tout est parfait, c’est lorsque l’on a décidé de regarder au-delà des imperfections5». C’est saisir le bien qu’une personne nous a donné malgré ses défauts ou ses paroles blessantes. C’est reconnaître le bien qui guide nos vies, nos pas, malgré les embûches, les difficultés, les maladies et les blessures. C’est le regard du sage qui voit, saisit et comprend que tout concourt au bien ; que le mal ne prévaudra pas et que l’amour vaincra toujours. C’est porter un œil nouveau et scintillant vers l’autre, vers cet autre qui nous a durement corrigés, de cet autre qui nous a trahis peut-être. C’est voir le bien de notre pays, de nos éducations, au-delà des imperfections. C’est voir que notre place n’est importante qu’en tant qu’elle est une partie ; et qu’elle nous attend. Merci, c’est un regard profond, une lumière qui éclaire chaque instant. 

Merci, c’est donc le signe de la gratitude, le principe de l’amitié, le fruit de l’humilité et le propre de la sagesse. Voilà ce que l’IPC m’a appris au long de ces trois années bénies, par vous et pour vous. 

Ce serait trop peu que de tenir un discours, mais ce serait injustice de se taire. Alors je ne lancerai qu’un cri : merci ! 


1 FOLLEREAU Raoul, Sourire.
2 ROSTAND Edmond, Cyrano de Bergerac, la tirade des « Non, merci ». 
3 ST PAUL, 1 Corinthiens, 7
4 ST AUGUSTIN, Confessions, I, prélude, §1. 
5 Citation attribuée à Aristote.